(Jean et Alex sont chez le psy. Ils se disputent.)
Jean : Mais je fais que ça de t'écouter, t'écouter sans arrêt ! Je peux jamais en placer une, alors...
Alex : Parce que tu dis des choses sans intérêt, excuse-moi !
Jean : Ouais, hé ho...
Alex : Tu ne laisses pas parler tes émotions, tes sentiments....
Le psy : S'il vous plaît, s'il vous plaît ! La discussion n'est pas du tout constructive, hein ? Vous vous blâmez l'un l'autre en disant "tu fais ci, tu fais pas ça...". Le "tu" est accusateur, vous savez ? Alors, reprenez la discussion, calmement, à tour de rôle. Vous allez commencer vos phrases par "je", au lieu du "tu". D'accord ?
Jean : Ok.
Alex : Par "je" ? D'accord. Je... J'aimerai, Jean... que tu parles plus souvent de tes émotions.
Jean : Je le sais bien, Alexandra. Mais j'ai l'impression que t... que je ne serais pas compris.
Alex : Je regrette, je te laisse souvent la parole.
Jean : Nan, je ne suis quand même pas fou, je sais ce que je dis, je....
Alex : Excuse-moi ! Je regrette, je ne suis pas folle non plus.
Jean : Bon ok, j'ai ma dose là, ça va.
Le psy : Ok, ok. On va arrêter, ça fonctionne pas vraiment, hein ?
Jean : Non.
Alex : Ah, j'ai une idée ! On pourrait utiliser le "il" ou le "elle". (Jean soupire.) Non ?
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Alex : Bon Jean, voilà, je sais pas comment te le dire mais je... J'aimerai que tu me dises un peu plus souvent que tu m'aimes.
Jean : Mais attend, mais je n'arrête pas de te le dire, Alexandra.
Alex : Oui, 'fin attend, tu me dis genre euh, "chouchou, passe-moi le beurre".
Jean : Oui, nan mais c'est en gros, c'est... Tu vois ce que je veux dire ? C'est...
Alex : Oui, mais j'ai l'impression que tu m'aimes moins que ton ordinateur.
Jean : Alors là, je m'excuse, faut arrêter d'être parano, parce que je vous aime tout les deux pareils. Vraiment.
******
Alex : Alors, suite à votre suggestion pour la répartition des tâches ménagères, je me suis occupée de ça cette semaine.
Jean : Elle a fait ses petits devoirs. (Rires)
Alex : Oui. (Elle sort une liste de son sac.) Voici ma petite liste. Alors, écoute bien, Jean.
Jean : Hmm-mm. Ouais.
Alex : Alors... Moi, je vais m'occuper de la vaisselle, sortir les poubelles, passer l'aspirateur...
Jean : Ok.
Alex : Et toi, Jean... Tu vas ramasser les feuilles mortes, faire la lessive et laver la salle de bain.
Jean : Ok. Euh, attend, excuse-moi. Ta salle de bain, tu la laves pas quand t'as fini de prendre un bain ?
Alex : Ben euh... non. Pourquoi, tu... tu le fais toi ?
Jean : Ben oui. 'Fin, il me semble que tout le monde le fait, hein.
Alex : Ah, excuse-moi, j'avais pas remarqué. Bon d'accord, très bien. Je le ferais.
Jean : C'est, c'est pareil pour les feuilles mortes. Tu sais le chiropracteur m'a dit de ne pas me baisser pendant un mois, deux mois, parce que tu sais, j'avais mal au... (Au psy.) Parce que non, parce que, j'ai une ordonnance, hein.
Alex : Oui, excuse-moi minou, j'avais... j'avais complètement oublié. Bon d'accord, très bien. Alors, les feuilles mortes... Alors, qu'est-ce que tu veux faire d'autre à la place ?
Jean : Eh ben... La lessive, c'est bien. Tu vois ?
Alex : Ah, tu l'as déjà.
Jean : Oui ben c'est ça, moi ça me va. De toutes façons, je... Bon, j'ai juste une petite embrouille entre... eau froide, délicat, tout ça....
Alex : Oui, voilà. Je vais m'occuper de mon linge, je crois que c'est mieux.
Jean : Ouais, quand même. Ben, tu sais, à la limite, vaut mieux que tu t'occupes du mien aussi. Moi, eau chaude, eau froide, je m'en fous en fait... Moi, c'est....
Alex : Oui, c'est vrai. Moi, je suis bonne là-dedans, ouais, ouais.
Jean : Voilà. En tout cas euh... Bravo, c'est très chouette. Répartir les tâches ménagères, comme ça c'est....
Alex : Ouais.
Jean : Belle initiative. Très bien. Pourquoi vous me regardez comme ça ?
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Alex : Je m'en rappelerai toute ma vie. Ce soir-là, on mangeait des macaronis, et... et moi je suis rentrée de, de l'école, avec mon bulletin scolaire, et... J'étais toute fière de lui montrer... mais rien. Il a rien dit, il.... Il était là, il continuait à manger ses macaronis comme, comme si de rien n'était, comme si je n'existais pas, comme si euh.... (Elle commence à pleurer.) Mais bon, c'est pas ça le problème. Le problème c'est que... C'est qu'il m'a jamais dit qu'il m'aimait vraiment, et... Et depuis ce temps-là, je suis incapable de manger des macaronis.
(Elle craque dans les bras de Jean.)
Jean : Oh, Chouchou ! Chouchou....
Le psy : Bon. C'est terminé pour aujourd'hui.
Alex : (comme si de rien n'était.) Oui. Alors ce qu'il serait bien, ce serait que pour la semaine prochaine, Mardi. Parce que mardi, oui, je peux mardi.
******
Le psy : Si vous étiez un animal...
Alex : Ah. Moi je serais euh... une libellule !
Le psy : Pourquoi, à votre avis ?
Jean : Ben, pour le vol nuptial.
Alex : Ah bon, elle font un vol nuptial, les libellules ?
Jean : Ah oui.
Le psy : Oui, oui, c'est très beau ! On peut même parler d'un ballet nuptial. La femelle s'envole, le mâle suit son reflet irisé, il la rejoind, et ils s'unissent dans un bruissement d'ailes.
Alex : Ah oui, alors moi je suis une libellule. Hein, Jean ?
Jean : Ouais.
Alex : Oui.
Jean : Et euh, moi, si je peux me permettre, je te verrais bien en mante-religieuse moi.
(Il rit.)
Alex : Ah bon pourquoi ? Elles font un vol nuptial aussi, les mantes-religieuses ?
Jean : (en riant.) Ah non, pas vraiment, non.
Le psy : Non, je crois qu'elle dévore son partenaire après l'amour.
Alex : (à Jean.) Qu'est-ce que t'en sais, toi ? Tu dors tout de suite après.
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Le psy : Jean, parlez-moi de la relation avec votre père ?
Jean : Houlà. Déjà, quel père ?
Le psy : Ah. Est-ce que ça veut dire que votre père était plutôt absent ?
Jean : Non, c'est plutôt le contraire. Il était présent, bien présent même, enfin.... Enfin plus présent au café du... du coin qu'à la maison, quoi.
Le psy : Diriez-vous de votre père qu'il était alcoolique ?
Jean : Non, je dirais pas, je dirais pas qu'il é.... Si. Si c'est vrai, il était... On pourrait dire ça.
Le psy : Intéressant. Et quel est votre rapport avec votre mère ? (Jean s'apprête à répondre.) Excusez-moi un petit instant.
(Le psy sort.)
Alex : Ben minou, ça fait sept ans qu'on est ensemble, tu m'avais jamais dit que ton père était alcoolique !
Jean : Non, mais c'est pas vrai.
Alex : Ben pourquoi t'as dis ça ?
Jean : Ben hé, au prix qu'on le paye, il faut bien qu'il travaille.
Alex : Oh, Jean !
Jean : Ben attend... Et ses diplômes, l'autre....
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(Jean et Alex regardent autour d'eux, sans dire un mot, pendant un long moment.)
Le psy : Bon. La séance est terminée pour aujourd'hui.
Alex : Déjà ?!
Jean : Ouais, euh, excusez-moi... Quand on a rien dit pendant une heure, est-ce que c'est le même montant ? Ouais....
Fin de l'épisode.