Femina

Alexandra Lamy & Jean Dujardin
"Il nous suffit de nous regarder pour tout capter"

Femina : "Lucky Luke était votre BD favorite?

Jean Dujardin : Non, mais ce personnage fait partie de notre enfance. Petit, je m'identifiais complètement à ce héros luttant contre l'injustice. Les pieds Nickelés ou Achille Talon n'étaient pas dans ce registre! Adapter la bande dessinée de Goscinny était un exercice difficile que le seul James Huth pouvait réussir. Son univers colle parfaitement et il a su trouver l'âme de l'oeuvre original pour la transposer sans que ça fasse parodie.
Alexandra Lamy : C'est quand même une BD plus adaptable au cinéma que "Spirou".

Femina : Vous avez relevé ce défi parce que c'était James Huth?

Jean Dujardin : Oui, parce qu'il a cette énergie, cette confiance, cette grande technique et... 12 ans d'âge mental! C'est exactement ce qu'il fallait. James n'est pas cynique, il était prêt à réaliser une comédie et même si, parfois, on frôle le cliché, c'est assumé. Ce qui m'intéressait aussi était qu'on ne soit pas plus intelligents que les héros, qu'on puisse incarner ces personnages en restant vraiment dans des sentiments de loyauté, de haine, de trahison. Il fallait que ça soit manichéen, avec le gentil et le méchant, une histoire à la Disney avec également de l'émotion.

Femina : Vous avez réussi un film familial...

Alexandra Lamy : Je pense que les enfants que les enfants seront heureux et les parents aussi.

Jean Dujardin : Ce film représente quatre mois de notre vie. Il a le mérite d'exister, avec un vrai point de vue. Quant à James, c'est trois ans de son existence. Je dis ça parce que je suis fier de Lucky Luke et de toute l'équipe, acteurs et techniciens, qui a travaillé dessus. Nous avons la satisfaction d'avoir réalisé un film singulier. On peut ne pas aimer le genre, mais on doit saluer et reconnaître le travail. En France, on laisse peu de chances à la création et ce n'est pas juste. c'est trop facile, certains "dézinguaient" Lucky Luke avant qu'il soit tourné.

Femina : James Huth qualifie son film de "comédie western d'aventures"...

Jean Dujardin : Moi, je dis "western camembert". Ce n'est pas du tout péjoratif. Grâce à Lucky Luke, on a la caution du western, il nous permet de le faire et ça m'éclate. D'habitude, je bosse au second degré. Sur "OSS", on s'amuse avec le code alors que, là; on les vit complètement. je me posais beaucoup de questions sur Luky Luke. Pourquoi ce mec solitaire chevauchant face au soleil couchant? Il n'en a pas marre d'être le héros de l'Ouest? Il n'aimerait pas tomber amoureux? Ça m'a permis de ne jamais trahir le personnage, de rester intègre, loyal comme lui, de ne pas être plus malin que lui, de ne pas avoir l'oeil qui frise systématiquement, mais d'être un cow-boy solitaire avec du vague à l'âme.

Femina : Il paraît que vous êtes un peu un "lonesome cow-boy" dans la vie?

Jean Dujardin : Oui, je peux avoir des moments comme ça, comme tous les hommes d'ailleurs.

Femina : Et vous, Alexandra, comment vous êtes-vous retrouvée dans le rôle de Belle?

Jean Dujardin : On s'est même pas posé la question de savoir qui allait joué le personnage. Alex et moi, c'était presque un lot! En plus, Alex vient de la comédie et elle est belle. Elle avait sa place.

Alexandra Lamy : C'était génial de pouvoir jouer de nouveau avec Jean. Et puis, faire un western c'est tellement rare. Tous les comédiens étaient en osmose pendant le tournage et chacun a vite trouvé ses marques.

Jean Dujardin : C'était aussi un gain de temps pour James de nous avoir tous les deux sur le plateau. Avec Alex, on savait que l'on pouvait être dans le second degré, notamment pour la scène des gifles. Jouer ensemble, c'est un peu comme le ping-pong, tous les trucs reviennent immédiatement.

Femina : Pour devenir Belle, vous avez suivi des cours de danse?

Alexandra Lamy : Non, j'ai juste passé un mois à faire un peu d'assouplissements, histoire de ne pas être trop raide. Ca m'amusait de pouvoir montrer une autre image de moi, un peu plus glamour que dans mes rôles précédents. Belle est jolie et c'est le première fois qu'on peut me voir dans ce registre. Ce n'était pas forcement évident pour moi, mais tout le monde me poussait.

Jean Dujardin : Oui, on me lui disait : "Prendre un timbre de voix plus suave, sois plus sexy..."

Alexandra Lamy : Il fallait que je m'assume en femme fatale, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à le faire.

Femina : Pas de rivalité avec Sylvie Testud qui rêve tant d'un rôle sexy?

Alexandra Lamy : Pas du tout. Ça l'amusait aussi de jouer Calamity Jane. Et puis Sylvie a un regard incroyable dans le film. Vous avez vu ses yeux bleus? Elle a un truc!

Jean Dujardin : Vous êtes très bavardes, toutes les deux. Elles ont aussi en commun un côté mec, style meilleur copain. c'est bien.

Alexandra Lamy : C'est vrai, nous avons passé pas mal de journées ensemble et c'était un pure bonheur.

Femina : Jean, il y a quand même un petit clin d'oeil à Brice...

Jean Dujardin : Pas tant que ça, à part la mèche. Bon, je suis aussi en jaune, mais on ne l'a pas fait exprès. Avec James, ça nous amuse, mais c'est vrai qu'à un moment mon rire, c'est mon rire, ma tronche c'est ma tronche.

Femina : Vous avez aimé tourner en Argentine?

Alexandra Lamy : Nous avons été gâtés, car c'est un pays magnifique. Malgré tout, trois-quatre mois loin de chez soi, c'est difficile et ça nous a aidés d'être ensemble le soir.

Jean Dujardin : Le lieu du tournage était une ville dite "de transit". C'est à dire un croisement, une rue avec des stations-service, un pauvre casino et une épicerie... C'est là que Brad Pitt a tournée "Sept ans au Tibet" pendant 6 mois.

Alexandra Lamy : Je ne sais pas comment il a fait.

Femina : Vous portez un regard critique l'un sur l'autre. Vous vous conseillez beaucoup?

Jean Dujardin : Nous avons le même instinct des choses. Avant une scène, nous n'avons pas besoin de beaucoup nous parler, c'est toujours uniquement du réglage.

Alexandra Lamy : Nous nous connaissons suffisamment, il nous suffit de nous regarder pour tout capter.

Jean Dujardin : Il n'y en a pas un qui est à côté de la plaque et l'autre qui corrige le tir. Ce n'est jamais ça. Quand on joue ensemble, on retrouve la chimie qu'il y avait pour "un gars, une fille". c'était aussi le cas pour la pièce "Deux sur la balançoire", pourtant dans un registre plus difficile, plus grave... Mais attention, "Lucky Luke", ce n'est pas "Un gars, une fille" au Far West.

Femina : Etre un couple de comédiens, pour vous c'est un atout, pour d'autres une rivalité...

Jean Dujardin : Nous nous sommes connus dans le jeu, nous avons été collègues avant d'être mari et femme. Du coup, c'est une évidence dans notre relation. C'est un naturel qui revient et qu'on préserve. Il n'est pas question que je ne joue plus avec Alexandra.

Femina : Vous avez envie de retravailler ensemble?

Jean Dujardin : Oui, d'ailleurs nous avons un projet commun.

Alexandra Lamy : "Mon héros", le film que je vais réaliser et dans lequel jean a un bon rôle.

Femina : Vous l'avez aussi écrit à deux?

Alexandra Lamy : C'est un projet qui nous anime. Nous sommes tellement passionnés que je ne pouvais pas vivre avec quelqu'un qui n'appartient pas à ce métier. Ça nous permet d'être toujours inventifs. Et même si nous ne travaillons pas sur le même tournage, nous échangeons des idées en permanence. C'est une grande force!

Jean Dujardin : On est deux gosses aussi, deux comédiens instinctifs. Nous aimons vraiment ça et nous nous amusons facilement à décaler les choses.

Alexandra Lamy : Pour l'écriture, ça nous aide de nous connaître aussi bien. Grâce à ça, nous savons comment aborder un personnage et jusqu'où nous pouvons l'amener. c'est un avantage extraordinaire.

Femina : Vous regardez toujours dans la même direction?

Jean Dujardin : Le couple fonctionne tellement bien dans la comédie qu'on sait quand ça sonne juste. L'instinct d'Alex, je le comprends bien, il ressemble au mien. Nous formons comme une balance à deux plateaux. Nous avons quand même eu des années de sketchs pour nous roder!

Alexandra Lamy : Même dans nos choix, aucun de nous décide pour l'autre. Chacun sa propre liberté, sinon ça serait étouffant.

Femina : Jean, Alexandra vous a-t-elle surpris en Belle?

Jean Dujardin : J'avais totalement confiance, je me repose sur elle. Je jouer avec une comédienne, pas avec ma femme. Elle connaît son travail. Je sais qu'elle est très courageuse. Par exemple, lorsque nous tournons des scènes sous la pluie, elle a les pieds dans la gadoue, il est 5 heures du matin, il fait 5°C. Elle a froid, mais elle se plaint jamais. L'inverse me surprendrait.

Femina : Et vous Alexandra, ça vous fait quoi de voir Jean en Lucky Luke?

Alexandra Lamy : C'était évident. Quand ils ont parlé avec James, je leur ai offert toutes les bandes dessinées. Je ne voyais personne d'autre ni pour réaliser le film ni pour incarner Lucky Luke. Et puis, jouer avec Jean est un bonheur. C'est rare d'avoir des comédiens aussi généreux et Jean donne beaucoup, il est toujours avec vous, même s'il n'a pas de scène. Je suis sûre qu'il passera un jour à la réalisation parce qu'il aime l'image. C'est vraiment quelque chose qu'il adore.

Femina : Et vous êtes tous les deux adorés! Gérer une telle cote d'amour, c'est une pression supplémentaire?

Jean Dujardin : Non, sinon ce la signifierait que nous travaillons à l'envers et que nous sommes dans le calcul en ne pensant qu'au box office. Je ne dis pas que ce n'est pas important, on fait aussi ce métier pour avoir du succès et être aimé. Nous vivons une très belle histoire avec le public. On s'en aperçoit à chaque fois en présentant le film en province. C'est toujours réconfortant.

Alexandra Lamy : Dans le film, on sent tout de suite quand quelque chose est truqué ou quand les comédiens n'ont pas été généreux. Savoir que le public nous aime bien et nous suit nous donne confiance.

Femina : Jean, à la veille de la sortie, vous êtes droit dans vos bottes comme Lucky Luke?

Jean Dujardin : Totalement. On gagne beaucoup de temps à être honnête. Ce n'est pas un coup. Pour nous, c'est un film d'auteur.

Alexandra Lamy : Nous avons tous pris beaucoup de plaisir à faire ce film et ça se sent.

Propos recueillis par Anne Michelet.